Eutrophisation


TITRE : étude de la physico-chimie et du peuplement phytoplanctonique du barrage de la Méfou

Extrait d'un mémoire d'étude en Hydrobiologie et environnement

La diversité des loisirs liés aux écosystèmes aquatiques et l’utilisation croissante de l’eau à des fins multiples perturbent considérablement sa disponibilité (LEITÃO et COUTÉ, 2005). Face au constat que cette ressource indispensable pour l’humanité s’amenuise et que sa qualité se dégrade, la gestion des plans d’eau est devenu l’un des thèmes prioritaires de multiples organisations internationales en terme de développement durable (BA, 2006)
Les hydrosystèmes constituent en effet d’importantes réserves d'eau douce et hébergent de nombreuses communautés biologiques (poissons, macro invertébrés, zooplancton, phytoplancton...), qui contribuent à leur fonctionnement harmonieux et plus ou moins équilibré en jouant un rôle remarquable dans le flux de matière et d’énergie (AMBLARD, 2001). Le déséquilibre éventuel d’origines intrinsèque (pression par broutage) ou  extrinsèque (nutriments d’origine anthropique ou naturelle) de la communauté biologique inféodée à ces écosystèmes peut avoir une grave incidence sur la qualité de l’eau et favoriser la prolifération de certaines espèces algales (BOUCHARD, 2004). La composition taxonomique de ces algues ainsi que leur contribution à la biomasse varient de manière cyclique annuelle (GIKUMA-NJURU et al., 2006). Ce processus de succession saisonnière s’inscrit dans le contexte plus général de succession écologique; définie par ANNEVILLE et al. (2001) comme étant l’ensemble des processus de colonisation d’un biotope par les êtres vivants et des modifications intervenants après l’altération de l’écosystème. Selon MC QUEEN et al. (1986), la succession des communautés biologiques et les variations interannuelle et spatiale du plancton sont fonction des facteurs physico-chimiques (pH, salinité, éléments nutritifs…) et des facteurs biotiques (broutage, compétition, parasitisme…). La variabilité de ces conditions peut favoriser des efflorescences d’algues ces dernières pouvant s’accompagner d’intoxications à tous les niveaux de la chaîne trophique ANNEVILLE et al. (2001). Elles sont souvent la conséquence du phénomène d’eutrophisation; enrichissement des plans d’eau en éléments nutritifs (WETZEL & LIKENS 2000) et constituent une entrave aux activités socio-économiques liées aux milieux aquatiques (tourisme, pêche…), à la potabilisation de l’eau, et à la santé humaine (FALCONER, 1999).
D’après BOUVY et al. (1999), les lacs proches des agglomérations urbaines sont menacés de disparition par eutrophisation. C’est ainsi que la ville de Yaoundé au Cameroun regorge de plusieurs plans d’eau de qualité critique (NJINE et al., 2001). De nombreuses études ont été menées dans certains de ces plans d’eau afin de contrôler l’évolution de leur état trophique et rechercher les causes de leur dégradation le cas échéant. Il en ressort que nombreux d’entre eux sont hypereutrophes; notamment les étangs d’Efoulan et d’Obili (NZIELEU TCHAPGNOUO, 2006), de même que le lac municipal de Yaoundé (KEMKA, 2000; ZEBAZE TOGOUET, 2000; NZIELEU TCHAPGNOUO, 2006; KEMKA et al., 2006). Dans le lac municipal de Yaoundé, KEMKA (2000) a établi une succession saisonnière du phytoplancton liée aux fluctuations météorologiques.
Le Barrage de la Méfou, est la plus grande retenue d’eau de la région de Yaoundé, située en zone périurbaine et prévu pour pallier aux besoins en eau potable des populations de Yaoundé (SNEC-STD, 1997). La qualité de ses eaux constitue donc un enjeu très important pour la société CALWATER en particulier, et les populations de Yaoundé en général. Par ailleurs, ce plan d’eau offre aussi un potentiel d’usage récréatif et de villégiature unique dans la région. Il est également connu que les divers aménagements réalisés sur les cours d’eau entraînent d'importantes modifications qualitative et quantitative du peuplement dulcicoles avec production de biomasse et libération de toxines (BA, 2006). Ainsi, la présence éventuelle dans les eaux du Barrage de la Méfou d’algues toxiques (genre Microcystis, Plantothrix…) pourrait compromettre l’exploitation de ce plan d’eau. De plus, une biomasse algale supérieure à 1µg/l déclenche le premier niveau d’alerte de l’OMS pour les eaux destinées à la consommation (CHORUS & BARTRAM, 1999). Au vu de cet impact des communautés d’algues sur la qualité des eaux de consommation, et de la problématique de l’eau potable pour les populations de Yaoundé, il nous a semblé opportun d’apporter notre modeste contribution à la connaissance de la qualité des eaux du Barrage de la Méfou.

Aussi avons-nous réalisé cette étude qui a consisté en un suivi saisonnier, qualitatif et quantitatif du peuplement algal, couplé à quelques analyses physico-chimiques afin d’évaluer les variations de la qualité des eaux du Barrage de la Méfou aux échelles spatiale et temporelle. Cela nous a permis d’identifier les facteurs susceptibles de provoquer ou de contrôler le remplacement des communautés d’algues en général, et en particulier celles des espèces potentiellement toxiques pour une modélisation à plus long terme. Plus spécifiquement, cette étude porte sur:
- la mesure de certains paramètres physicochimiques des eaux du Barrage de la Mopfou,
- l’identification et l’inventaire des espèces algales présentes au Barrage,
- la détermination de la structure et des successions de son peuplement algal,
- l’utilisation des tests statistiques pour tenter d’établir le déterminisme de ce peuplement.
Ce mémoire est subdivisé en quatre chapitres, le premier traite de la revue de la littérature, le second est consacré au matériel et méthodes utilisés pour réaliser ce travail. Le troisième chapitre présente les résultats obtenus, et le dernier porte sur leurs discussions. Le document se termine par une conclusion suivie des recommandations et perspectives.



L’un des problèmes majeurs que rencontrent les gestionnaires des eaux de surface en général et des eaux stagnantes en particulier est celui de la détérioration de leur qualité due au phénomène d’eutrophisation (ANNEVILLE et al., 2001). Les éléments le plus souvent tenus pour responsables dans ce processus sont le phosphore et l’azote, car ces deux éléments plus que tout autres peuvent limiter la croissance des producteurs primaires (WETZEL et LIKENS 2000). De ce fait, on distingue l’eutrophisation naturelle de l’eutrophisation anthropique (KALFF, 2002). Cette dernière accélère l’évolution d’un plan d’eau vers un état eutrophe (ANNEVILLE et al., 2001). Les sources d’enrichissement sont principalement le lessivage du bassin versant, les eaux usées des zones urbanisées et les fertilisants agricoles (PITOIS et al. 2001). L’eutrophisation d’un lac a des conséquences majeures sur les paramètres bio-physico-chimiques. SMITH (2003) indique que les symptômes de l’eutrophie et/ou de l’hypereutrophie incluent entre autres: une turbidité élevée, un déficit sinon une anoxie complète de l’hypolimnion, une dégradation de l’aspect esthétique (visuel et odeur), une diminution de la potabilité de l’eau et un changement de la composition de la communauté phytoplanctonique, zooplanctonique et ichtyologique. Ainsi, le coût de potabilisation des eaux issues des milieux eutrophes devient très élevé (PITOIS et al., 2001).
Quel que soit l’objectif à la construction d’un barrage, ses effets sont manifestes sur le fonctionnement des écosystèmes aquatiques (FRANE, 2006). En effet, la construction d’un barrage provoque un bouleversement de l’habitat des communautés dulcicoles, entraînant une modification profonde de la biodiversité. Ils peuvent être un siège d’eutrophisation et accumulent des produits toxiques dans leurs sédiments (SCHINDLER, 1974). Les barrages modifient également le régime des eaux, inhibent le transit des sédiments à l’aval et constituent un obstacle aux migrations des espèces aquatiques (FRANE, 2006). L’incidence sociale peut aussi être marquée, à savoir les expropriations et les dangers potentiels à l’aval des barrages. Ces retenues posent ainsi d’importants problèmes de qualité des eaux qui affectent le milieu et les populations riveraines: interdiction des pratiques de loisirs, développement des gîtes de moustiques (SALENÇON et THEBAULT, 1994). Sur un plan fondamentalement écologique, on assiste à une modification de la composition physico-chimique de l'eau entraînant la dégradation de sa qualité et l'apparition dans la retenue de « zones d'eaux mortes » où la décomposition de la matière organique est assurée par les bactéries (BIEDERMANN et YON, 2005).
Les concentrations en nutriments et leurs proportions dans les eaux constituent des indicateurs fondamentaux de développement planctonique. Par exemple, les Cyanobactéries dominent habituellement les systèmes aquatiques dont le rapport massique N/P est inférieur à 7 (REYNOLDS, 1984) alors que les Chlorophytes dominent ceux dont ce rapport est plus élevé (FINDLAY et KLING, 1994). L'abondance du phytoplancton des lacs est fortement liée aux concentrations en nutriments (SCHINDLER, 1974). FORSBERG et RYDING (1980) récapitulent les valeurs seuils de quelques paramètres physico-chimiques et biologiques, nécessaires à la détermination de l’état trophique d’un plan d’eau (tableau 1). Ainsi, de l’état oligotrophe à hypereutrophe, la qualité de l’eau est énormément dégradée. Deux ans plus tard, et sur la base des travaux de FORSBERG et RYDING, l’OCDE publie les valeurs seuils du système de classification des états trophiques des lacs (tableau 2).


Les algues sont les premiers végétaux à pouvoir réaliser la photosynthèse (DE ROSNAY, 1988) en présence de lumière et de substances inorganiques prélevées dans le milieu (CAPBLANCQ, 1982). Certaines espèces peuvent temporairement être hétérotrophes et synthétisent leur matière organique à partir de substances organiques dissoutes (osmotrophie) ou particulaires (phagotrophie) ; d’autres dites mixotrophes combinent les modes de nutrition autotrophe et phagotrophe (GAILHARD, 2003).
 Les algues microscopiques se distinguent principalement des macro algues par leur petite taille (ILTIS, 1980). Ces dernières constituent un grand groupe d’organismes semblables aux plantes, ne possédant pas de véritables racines, tiges, feuilles, tissus vasculaires mais qui ont des structures reproductives simples (DE REVIERS, 2003). Par contre, les algues microscopiques sont des organismes unicellulaires, solitaires filamenteux ou coloniaux, majoritairement autotrophes (DE REVIERS, 2003). D’après ILTIS (1980), on peut distinguer de part leur taille:
-L’ultra nannoplancton          moins de 2µm
-Le nannoplancton                 de 2 à 20µm
-Le microplancton                  de 20 à 200µm
-Le macroplancton                 de 200 à 2000µm.
Les organismes de 100 à 200µm sont parfois groupés sous le terme de mésoplancton. On peut également distinguer le « netplankton » pour les tailles supérieures à 20µm par opposition au nannoplancton, de taille inférieure.
D’après DE REVIERS (2003), les algues présentent trois grands types de reproduction: la reproduction sexuée qui fait intervenir la production de gamètes (à n chromosomes), la reproduction asexuée qui s'effectue à partir de spores (à 2n chromosomes), la multiplication végétative, c'est-à-dire sans intervention de cellules spécialisées (zoïdes = spores ou gamètes).
Leur forme extrêmement variée est souvent liée à une adaptation à la mobilité (flottaison, et mouvements verticaux). Les formes nageuses sont en général flagellées, le nombre et la taille des flagelles sont ainsi très utilisés en systématique (ILTIS, 1980).
Les algues regroupent deux catégories bien marquées d’organismes en se basant sur un caractère cytologique, à savoir la présence ou l’absence de membrane nucléaire (eucaryotes et procaryotes). Actuellement la systématique est en pleine évolution, les moyens d’investigation progressant, sept groupes sont recensés dans les milieux dulçaquicoles à partir de critères cytologiques, biochimiques et de reproduction (BOURRELLY, 1970).
Les Chlorophytes ou algues vertes renferment de la chlorophylle a et b (BA, 2006). La réserve fondamentale est l’amidon (PIERRE, 2001), ces organismes se divisent en plusieurs classes dont trois d’entre elles se rencontrent dans le phytoplancton d’eau douce (DE REVIERS, 2003): les Prasinophycées, les Chlorophycées et les  Zygophycées. Les Chlorophytes sont en général reconnues pour leur adaptation en milieux riches en azote par rapport au phosphore (SOMMER, 1989a). Les formes nageuses possèdent en général deux ou quatre flagelles de même taille (ILTIS, 1980).
Les Euglénophytes renferment aussi de la chlorophylle a et b (BA, 2006), mais leurs réserves sont constituées par le paramylon et des gouttelettes lipidiques (DE REVIERS, 2003). Autotrophes ou hétérotrophes, ces algues sont courantes dans des étangs pollués et fortement enrichies en matières organiques putrescibles (DABBADIE, 2001). La classe des Euglénophycées est unique pour cet embranchement. Ce sont des algues flagellées, le plus souvent mobiles (ILTIS, 1980).
Les Chromophytes contiennent de la chlorophylle a et c (BA, 2006). Leurs réserves sont constituées de chrysolaminarine ou de laminarine. Ces algues, couramment appelées algues dorées d'eau douce se composent de trois classes: Les Chrysophycées et Xanthophycées à sexualité rare, et les Diatomées (DÖRTE KÖSTER, 2004). Leur présence dans les plans d’eau est fortement corrélée aux fortes teneurs en silice. Il existe de nombreuses formes flagellées possédant pour la plupart deux fouets inégaux (ILTIS, 1980).
Les Pyrrophytes contiennent de la chlorophylle a et c souvent accompagnées de biliproteines: phycocyanine et phycoérythrine, des carotènes et xanthophylles, d’amidon extraplastidial comme substance de réserves (DÖRTE KÖSTER, 2004). BOURRELY (1970) identifie deux classes au sein de ce groupe: les Cryptophycées donc les flagelles sont insérés latéralement et les Dinophycées dont un flagelle est transversal et l’autre longitudinal.
Les Cyanophytes sont des algues procaryotes bleu-verts, dépourvues de noyau individualisé et renfermant de la chlorophylle a et des phycobiliprotéines (BOURRELLY, 1970). Chez l’unique classe des Cyanophycées, les réserves sont constituées de glycogène, de cyanophycine, des gouttelettes lipidiques et des granules de polyphosphates. Les proliférations de Cyanobactéries sont favorisées par une interaction complexe entre plusieurs facteurs, dont la concentration élevée d’azote (N) et de phosphore (P), la température, le pH, la disponibilité du carbone et le faible courant (BLAIS et al., 2002). Mais, le phosphore demeure le facteur reconnu prépondérant (BLAIS et al., 2002).
L’embranchement des Raphidophytes comprend l’unique classe des Raphidophycées ou Chloromonadophycées biflagellées. Les formes pigmentées possèdent dans leurs plastes de la chlorophylle a, du ß-carotène et des xanthophylles (BOURELLY, 1970). Leurs matières de réserves sont formées de gouttes d’huiles.
Les Phéophytes et les Rhodophytes correspondent respectivement aux algues brunes et aux algues rouges, ils possèdent peu de représentants dans les milieux aquatiques continentaux (DE REVIERS, 2003). Ce sont principalement des macro algues retrouvées dans les eaux marines et saumâtres (PRESCOTT, 1995). Il n’existe pas de formes flagellées chez ces groupes (ILTIS, 1980).
Malgré les spécificités locales, certaines caractéristiques générales de succession des assemblages ont pu être dégagées. Le schéma classique a été décrit par MARGALEF (1958), qui considère trois étapes distinctes. Le premier stade est caractérisé par une croissance élevée des petites Diatomées, puis des Diatomées de plus grande taille, suivies des Dinoflagellés de grande taille également et donc le taux de croissance est encore plus faible. Le passage progressif du premier stade au troisième s’accompagne d’une diminution de la concentration en nutriments dans le milieu. La transition d’un stade à l’autre étant caractérisée par une variation de la stabilité de la colonne d’eau. Cependant, la description des schémas de succession n’intègre ni les relations interspécifiques, ni les exigences écologiques de chaque espèce, pourtant nécessaire pour comprendre le rôle des perturbations environnementales. De nombreuses études se sont intéressées aux successions des assemblages d’algues dans le contexte d’un déséquilibre engendré par le développement d’une population aux dépend des autres (THIBAUT, 2001). Ces études montrent que la croissance excessive d’une population peut entraîner un dysfonctionnement de l’écosystème, et que les conditions environnementales qui favorisent le développement d’un groupe d’algues plutôt qu’un autre sont complexes et encore mal comprises.
Les différentes espèces d’algues ne réagissent pas de la même manière face aux facteurs du milieu (ANNEVILLE et al., 2001), leurs taux de croissance, ainsi que leur dépendance vis-à-vis des nutriments sont également variables (GAILHARD, 2003). Afin de faire face aux variations environnementales, les espèces phytoplanctoniques ont développé des stratégies adaptatives (CHORUS et BARTRAM, 1999) telles qu’énumérées par GAILHARD (2003); il s’agit:
-des différents mécanismes favorisant leur mobilité, et leur migration vers des zones riches en nutriments et en lumière (phototactisme, migration verticale, nage, agrégation),
-du mode de nutrition mixotrophe,
-de la compétition interspécifique par production de substances allélochimiques,
-des mécanismes de défense contre la prédation (allélopathie).
Le cycle biologique de chaque espèce d’algues participe ainsi à un réseau complexe de relations interspécifiques dans une communauté.
Au sein du phytoplancton, la stabilisation de la colonne d’eau provoque un remplacement des espèces non motiles comme les Diatomées, par des espèces flagellées (Dinophycées et Chrysophycées…) et les Cyanobactéries (JONES et POPLAWSKI, 1998). Ces flagelles permettent à certaines algues d’ajuster leur position verticale dans l’eau à la recherche de la lumière (CHORUS et BARTRAM, 1999). D’autres Diatomées par contre, vivent sur le sédiment de fond mais remontent dans la colonne d’eau en fonction de la lumière (PAYNE, 1986). D’après MC QUEEN et al. (1986), la structure des communautés d’algues est sous le contrôle de différents facteurs qui interagissent entre eux: les facteurs ascendants, définis par la dynamique des ressources nutritives et qui vont déterminer le type de peuplement appelé à s’installer, les facteurs descendants, définis par la pression de prédation exercée par les herbivores et qui vont modifier la structure du réseau trophique.
Les consommateurs herbivores jouent un rôle fondamental sur la densité et la composition du phytoplancton (HENNING et al., 1991; FULKS et MAIN, 1991). L’impact du zooplancton sur le phytoplancton dépend plus de sa composition spécifique que de son abondance numérique (SEVRIN-REYSSAC, 1997). HRBÁCEK (1962); HRBÁCEK et HRBÁCEKOVA (1966) ont en effet démontré l’efficacité des grands Cladocères dans la limitation de la biomasse des espèces phytoplanctoniques de grande taille. D’autre part, les petits filtreurs, par consommation du nanoplancton (SIEBURTH et al., 1977) peuvent favoriser le développement du phytoplancton de grande taille (FULKS et MAIN, 1991). Cependant, il n’y a pas toujours une bonne adéquation entre la taille des algues et celle des brouteurs (LIONARD et al., 2005). De même en milieu tropical, le broutage, surtout exercé par des organismes de petite taille sur les petites cellules, a tendance à déplacer la compétition pour les nutriments en faveur des algues de grande taille ou des Cyanobactéries, du fait de la matière visqueuse ou mucilagineuse de leurs parois cellulaires (COLLECTIF, 1997). Leurs proliférations sont par conséquent considérées comme des «impasses trophiques», car le zooplancton ne va pas pouvoir s’en nourrir et c’est toute la chaîne alimentaire qui est affectée (COLLECTIF, 1997). Il en est de même des Diatomées rarement digérées par les herbivores à cause de leur frustule siliceuse (PAYNE, 1986). Le broutage est également influencé par la toxicité des algues, en particulier des Cyanobactéries. Certains travaux ont ainsi montré la sensibilité de Rotifères et de Cladocères vis à vis des Cyanobactéries (LIONARD et al., 2005). A l’inverse, des populations de Cyclopidés tropicaux sont connues pour utiliser des Cyanobactéries du genre Microcystis comme principale source de nourriture (LIONARD et al., 2005).
Elles ont pour but l’évaluation de la densité et de la biomasse d’algues présentes par unité de volume d’aliquote. De nombreux appareils ont été conçus pour l’échantillonnage quantitatif du plancton végétal, qu’il s’agisse de filets de diverses formes, de trappes (trappes de JUDAY), de filets associés à des moulinets (appareil de CLARKE et BUMPUS) ou de pompes (ILTIS, 1980). En pratique, et dans les eaux tropicales soudaniennes, la densité algale est en général suffisamment élevée pour que les échantillonnages quantitatifs puissent être réalisés par simple prélèvement d’eau (ILTIS, 1980). La récolte du périphyton s’effectue en arrachant quelques poignées de végétaux croissant dans l’eau (Potamots, Cératophylles…) que l’on presse fortement en les frottant dans un petit volume d’eau pour en détacher les algues épiphytes (ILTIS, 1980).
Les algues vivantes ou fixées peuvent être observées au microscope sur des préparations montées entre lame et lamelle (ILTIS, 1980). L’observation des formes réelles et de leur éventuelle mobilité est possible sur l’échantillon non fixé. L’identification sur l’échantillon fixé est possible à l’objectif à immersion grâce aux ouvrages spécialisés (BOURRELLY, 1990). L’étude des Diatomées exige des manipulations plus complexes qui consistent à débarrasser les frustules de leur contenu cytoplasmique et à monter ceux-ci entre lame et lamelle (ILTIS, 1980).
I-2-5-2-1 Les méthodes directes: comptage cellulaire
En tant que concept écologique, l'abondance est une composante importante de la diversité (HURLBERT, 1971). La méthode de comptage d’UTERMÖHL (1958) est la plus utilisée pour l’étude quantitative des algues. Cette technique s’appuie sur la sédimentation des organismes d’un échantillon de volume connu dans une cellule de comptage (BALLOT et al., 2003). En raison de la richesse ou de la pauvreté des échantillons en organismes, une dilution ou une concentration des échantillons peut être utile pour faciliter les comptages tout en gardant une bonne représentativité.
I-2-5-2-2 Les méthodes indirectes: dosage des constituants cellulaires
Plusieurs méthodes permettent d’estimer indirectement la biomasse phytoplanctonique. Chacune d’elles pouvant à l’aide d’un facteur de conversion être transformée en carbone, puisqu’il est d’usage de ramener en masse de carbone les évaluations de biomasse (LEMASSON et al., 1981). Le choix de chacune de ces méthodes dépend des avantages et inconvénients que lui confère la théorie.
-Le carbone particulaire (Cp) prend en compte la partie détritique du seston qui peut représenter 10 à 50% du Cp (SAUNDERS, 1972), cependant le carbone organique représente globalement la biomasse autotrophe et hétérotrophe, photosynthétique et chimiosynthétique.
-La chlorophylle a (chl. a) est spécifique aux organismes photosynthétiques, mais ses formes dégradées peuvent atteindre 100% de la valeur obtenue après mesure (GLOOSCHENKO et al., 1972). Elle peut subir en outre de grandes variations par rapport au carbone cellulaire (de 0,1 à 6% du poids sec selon SPOEHR et MIILNER, 1949) qui dépendent de l’espèce, de l’âge ou de l’état physiologique des cellules considérées. La concentration en chl. a permet d’apprécier l’abondance des différents groupes d’algues en fonction de leur teneurs en pigments. Mais, la corrélation entre les valeurs de chlorophylle et le nombre de cellules n’est pas toujours très bonne (LEMASSON et al., 1981) à cause du fait que la chlorophylle a qui est plus abondante chez les cellules jeunes que pendant la phase de sénescence (CAPLANCQ, 1982).
-L’adénosine triphosphate (ATP) est le constituant de tous les organismes vivants et disparaît rapidement à la mort des cellules (PERRY et al., 1979). Cependant, la conversion de 1’ATP en carbone fournit des valeurs plus élevées de biomasse, car 1’ATP ne permet pas de différencier les biomasses bactériennes des biomasses phytoplanctoniques (PERRY et al., 1979).
-Le phosphore particulaire (Pp), est le plus rarement utilisé comme indicateur de biomasse. Dans les eaux tropicales, le Pp est rapidement re-minéralisé et sa concentration dans les détritus est très faible. Il possède les mêmes inconvénients que les méthodes précédentes puisque les biomasses autotrophe et hétérotrophe ne peuvent être distinguées, et que la concentration intracellulaire de Pp peut varier fortement en fonction des conditions du milieu (LEMASSON et al., 1981).
La lumière est généralement considérée comme un facteur déterminant pour la production algale dans les écosystèmes lacustres, elle interviendrait dans les mécanismes de photosynthèse en fournissant de l’énergie (PLOUIDY, 1983). La quantité d’énergie qui pénètre dans un plan d’eau dépend de l’angle d’incidence des rayons lumineux, de la transparence de l’eau et des longueurs d’ondes des différentes radiations qui la constituent (AUBY et al., 1994). La profondeur de disparition du disque de Secchi renseigne sur la transparence de l’eau et donne une idée de l’épaisseur de la couche euphotique, zone dans laquelle a lieu la photosynthèse (TALLING, 1971).
L’intervalle de température pour une croissance optimale varie entre 25 et 35°C selon les espèces (BIEDERMANN et YON, 2005). Dans les lacs à fort enrichissement en matières organiques, la production primaire varie avec la température de l’eau (SORANNO, 1997). CAPBLANCQ (1982) trouve une relation du type "Q10 = 2" entre la température de l’eau et l'intensité de la photosynthèse dans les limites de tolérance de 5 à 40 °C (BIEDERMANN et YON, 2005). En fonction de leur structure, les espèces d’algues présentent donc des preferendum et des limites de viabilité fonction de la température (AUBY et al., 1994). La température est aussi nécessaire pour déterminer les équilibres chimiques entre diverses espèces en solution: ions, molécules non dissociées, gaz et solides (THIERRIN et al., 2003).
La conductivité électrique donne une mesure indirecte de la concentration en sels minéraux dissous dans l'eau, détectée par la teneur en ion libres, elle varie habituellement entre 10 à 1000 μS/cm dans les eaux naturelles, mais peut largement dépasser 1000µS/cm dans les eaux fortement polluées (BIEDERMANN et YON, 2005). La mesure de la conductivité électrique permet d’évaluer la minéralisation globale de l’eau (FREEZE et CHERRY, 1979). Elle dépend de la nature géochimique des roches rencontrées dans les bassins versants des plans d’eau en particulier des substances rendues solubles par l’altération des roches (LIECHTI et al., 2004).
Les M.E.S sont constituées de toutes particules minérales et organiques arrachées par l’érosion pluviale et véhiculées par les eaux ou encore remises en suspension lors des phénomènes de recirculation des eaux (AUBY et al., 1994). Elles forment une entrave plus ou moins importante au passage des rayons lumineux et freinent l’activité photosynthétique (CAIRNS et al., 1972).
La turbidité traduit l’état d’un liquide trouble, elle peut avoir deux origines: d’une part, la remise en suspension de particules organiques ou inorganiques provenant du sédiment ou des berges, suite à une action mécanique (SEVRIN-REYSSAC, 1992); d’autre part, l’abondance de cellules vivantes. La mesure de façon continue de ce paramètre permet de relever une détérioration temporaire de la qualité de l’eau en fonction des phénomènes liés à ses effluents, et de l’intensité des crues (AUBY et al., 1994).
L'oxygène dissous dans l'eau a deux origines: une diffusion à partir de l'atmosphère et l'activité photosynthétique des végétaux aquatiques, notamment des algues (SEVRIN-REYSSAC et VALDEYRON, 1989). Dans un milieu expérimental contenant beaucoup d'algues et peu de consommateurs (bactéries, zooplancton, poissons), la teneur en oxygène du milieu va beaucoup varier au cours de la journée; minimale le matin, elle peut dépasser largement 100% de saturation dans la journée (GOUBIER, 1989). La mesure de l'oxygène dissous fournit des informations concernant la dégradation de substances organiques (THIERRIN et al., 2003), et une sursaturation en oxygène peut parfois être nocive pour des organismes aquatiques.
Le pH mesure la concentration en ions H+, il résulte de la mobilisation du CO2 par l'activité photosynthétique de l'eau et traduit la balance entre acide et base (DABBADIE, 1992). Le pH d'une solution aqueuse est sensible à de nombreux phénomènes comme les variations de température, le dégazage, l’oxydation et la précipitation de composés insolubles (THIERRIN et al., 2003). L'augmentation du pH jusqu'à 9-10 rend le milieu toxique pour divers organismes, notamment les consommateurs d’algues (DABBADIE, 1992), et se répercute sur l'ionisation de certains ions (BOYD, 1986). Ainsi, la forme toxique de l'ammoniac devient de plus en plus abondante lorsque le pH s’élève (DABBADIE, 1992). La solubilité des phosphates est aussi affectée, puisqu'ils tendent à précipiter en milieu basique (BIEDERMANN et YON, 2005).
C’est la principale source de carbone pour les végétaux aquatiques (BOYD, 1986). La consommation de CO2 par les algues se traduit principalement par une augmentation du pH. Le CO2 réagit en effet avec les carbonates, ainsi, pour chaque molécule de CO2 mobilisée, deux molécules de HCO3- vont se dissocier et il se reconstitue une molécule de bicarbonate.
2HCO3- <=> CO2 + CO32- + H2O
Le phosphore est un élément indispensable pour les organismes aquatiques; naturellement, il ne parvient qu’en infimes quantités dans les eaux et les apports liés aux activités anthropiques sont à l’origine de l’eutrophisation des plans d’eaux (CLUIS et al., 1989). Les orthophosphates correspondent à la forme directement assimilable par les plantes aquatiques. Lorsque le rapport massique N/P > > 7 (REYNOLDS, 1984), le phosphore devient facteur limitant de la croissance algale. Le phosphore des eaux de surface se retrouve généralement dans les sédiments sous forme de phosphore organique et/ou minéral plus ou moins complexés (AUBY et al., 1994). Il est alors absorbé par les algues lors de la photosynthèse sous formes de PO43-, HPO42-, H2PO4- et entre dans la formation des acides nucléaires (SAS, 1989).
            L’azote est un élément essentiel à la production algale (KALFF, 2002). Il entre dans la composition des acides aminés et est indispensable à toutes formes de vies aquatiques (LIECHTI et al., 2004). Leur teneur dans les eaux de surface est liée à l'urbanisation, l'industrialisation, la pédologie, l'hydrographie et de l'ampleur de l’utilisation des fertilisants (PAERL, 1988). L’azote des rejets domestiques est presque en totalité sous la forme d'azote organique (urée, créatinine et acide urique) et d'azote ammoniacal (N-NH4). Lorsque le rapport molaire N/P < 16, l’azote peut devenir facteur limitant de la croissance algale et favoriser la croissance des espèces habilitées à fixer le diazote inorganique de l’atmosphère (REYNOLDS, 1984). Parmi les formes minérales de l'azote (NH4+, N02-, N03-), l'azote ammoniacal et les nitrates sont utilisés préférentiellement par de nombreuses algues (CAPBLANCQ, 1982). Certaines espèces du genre Haematococcus et Pandorina préfèrent cependant l'azote nitrique (GAMRASNI et PHELIPPOT, 1976). La présence des nitrites dans un milieu traduit cependant une forte hétérotrophie bactérienne en anaérobiose (RODIER, 1996; DABBADIE, 2001).
L’alcalinité de l’eau est sa capacité à neutraliser des acides (LENNTECH, 2004). Le titre alcalimétrique complet (TAC) prend en compte l’alcalinité des ions bicarbonates (HCO3-), carbonates (CO32-) et hydroxydes (OH-) en solution. L’alcalinité permet également d’estimer la teneur en carbone dans l’eau (POURRIOT et CHAMP, 1982).
            La silice est assimilée principalement par les Diatomées sous la forme d’acide orthosilicique et incorporée à leur paroi. Comme elle n’est pas recyclée rapidement, la silice peut s’épuiser dans le milieu si la production des Diatomées est élevée et sédimente vers le fond après la mort de ceux-ci (BLANCO et al., 2004). La silice est ainsi retenue dans les sédiments de fond et remise en suspension lors des phénomènes de brassage (BLANCO et al., 2004). La présence des Diatomées dans l’eau est donc liée à la teneur en silice, c’est par conséquent le facteur limitant par excellence de leur développement dans divers plans d’eau (GOULEAU, 1988).


I-4 LA STRUCTURE DU PEUPLEMENT ALGAL
Selon GRALL et HILY (2003), la diversité d'un échantillon ou d'un site à échantillonner peut être mesurée par plusieurs méthodes: des méthodes univariées (richesse spécifique, indice de diversité), des méthodes graphiques (diagramme rangs fréquences…), ou des méthodes multivariées (Analyse Factorielle de Correspondances, Analyse en Composantes Principales).
C’est l’effectif total des diverses catégories taxonomiques auxquelles appartiennent les organismes prélevés à une station d’échantillonnage. Elle mesure la diversité la plus élémentaire, fondée directement sur le nombre total d'espèces dans un site. Toutefois, cette méthode dépend de la taille d’échantillonnages et ne considère pas l'abondance relative des différentes espèces, sa valeur écologique est donc limitée (GRALL et HILY, 2003).
De nombreux indices de diversité sont proposés et permettent de donner une expression plus ou moins pertinente de la structure du peuplement. Les indices les plus utilisés sont ceux de Shannon et Weaver, et de Simpson. Ces deux indices considèrent à la fois l'abondance relative et la richesse spécifique.
Dérivée de la théorie de l’information, c’est l’indice de diversité le plus couramment utilisé dans la littérature (GRALL et HILY, 2003). Il considère à la fois la richesse spécifique et l'abondance relative et est calculé en utilisant les effectifs spécifiques. La  diversité est alors fonction de la probabilité de présence de chaque espèce dans un ensemble d’individus formant l’échantillon. Sa formule est la suivante



H’= indice de diversité spécifique (bits/ind.)
ni = densité de l’espèce de rang i dans l’échantillon
N = densité algale totale de l’échantillon
log2 = logarithme en base 2
s = nombre total d’espèces.



H’ est minimal (0) si tous les individus du peuplement appartiennent à une même espèce, et maximal (log2 S) quand ils sont répartis équitablement chez toutes les espèces présentes (GRALL et HILY, 2003).
Egalement indépendant d’une hypothèse de distribution, il correspond à la probabilité pour que deux individus tirés au hasard appartiennent à la même espèce. Il est calculé à partir des effectifs spécifiques. Lorsque la diversité est maximale, sa valeur est 0, et lorsque la diversité est minimale la valeur tend vers 1. En général, l’indice de Simpson donne plus de poids aux espèces abondantes qu'aux espèces rares (GRALL et HILY, 2003).



H = indice de Simpson en bits/individu
Ni = effectif de la nième espèce



-L’équitabilité de De Pielou

Egalement appelé indice d’équirépartition, elle est souvent utilisée pour accompagner l’indice de Shannon et Weaver. Cet indice peut varier de 0 à 1. Insensible à la richesse spécifique, il est très utile pour comparer les dominances potentielles entre stations et entre campagnes d’échantillonnage (GRALL et HILY, 2003).




P = indice de De Pielou en bits/individu
H’ = indice de Shannon et Weaver
S = nombre total d’espèces dans l’échantillon.



I-4-2 Méthodes graphiques
I-4-2-1 Diagramme Rangs-Fréquences
Le degré d’organisation de la communauté dans l’écosystème peut être caractérisé par des diagrammes rangs fréquences (DRF). Ceux-ci permettent de représenter la structure d’un peuplement et d’en distinguer, au cours de son évolution, les différentes phases d’une succession écologique (FRONTIER, 1976). De tels diagrammes sont obtenus par représentation en coordonnées logarithmiques de la fréquence relative de chaque espèce, et en abscisse, du rang de chaque espèce classé par ordre décroissant.






Voir aussi :

Dynamic of phytoplankton size-class and photosynthetic activity in a tropical hypereutrophic lake: the Yaounde municipal lake (Cameroon)